Date de publication: 10 mars 2025 / Agriculture / Author : ATH Sokren
Victor Lafourcade, directeur des achats de Kerex - Terre exotique, en venu en février au Cambodge, pour visiter les plantations de poivre de Kampot et rencontrer les planteurs. Terre Exotique est basée à Rochecorbon et Notre-Dame-d'Oé, en Indre-et-Loire, en France, et est devenue une référence majeure dans le domaine de l'épicerie fine, proposant une large gamme de poivres, épices et condiments à travers le monde. Confirel en est un partenaire depuis 2007, année d’une première livraison de 200 kilos de poivre de Kampot. Lors de sa visite dans la plantation de Confirel à Kep, Victor Lafourcade s’est entretenu avec le Dr Hay Ly Eang à propos de son engagement en faveur du développement circulaire.
VL : Comment le concept de développement circulaire s’est imposé à vous ?
HLE : Lee Kuan Yew avait dit à propos du Cambodge : "Vous avez tout chez vous : eau, arbres fruitiers, terre riche. Rien que le poisson suffirait à nourrir tout le monde en Asie du Sud-Est, grâce à votre grenier à poisson, le Tonle Sap. » La nature nous a offert cette chance. Et pourtant il y a eu la guerre civile au Cambodge. Parce qu’il y avait des très riches, mais aussi des gens qui ne trouvaient rien à manger dans un pays où tout était disponible. C'est un problème de répartition. Cela est lié à notre système de production. Les pauvres ne peuvent pas transformer les produits car ce sont les gens des villes qui ont les moyens d'investir dans la transformation. C'est là que le concept de développement circulaire est important. C'est un peu le concept d'autosuffisance : produire le minimum pour la survie.
VL : Donc on est tr1es loin ici d’une simple plantation bio de poivre ?
HLE : Oui ici, ce n'est pas qu'une plantation, mais aussi une école d'expérience, une expérience de la nature. Cela demande du temps. Nous avons commencé fin 2011, et c'est presque terminé. Ici, vous avez tout : l'histoire parce que c’est important de savoir par où nous sommes passés et pourquoi, vous avez la nature, les plantes et naturellement des animaux domestiques.
On y voit par exemple des sangliers qui se nourrissent de produits qui n’ont pas de débouchés sur les marchés, les liserons d'eau, les arbres que les sangliers mangent. Il y a beaucoup de végétaux riches en protéines, mais nous ne les connaissons que trop peu. Personne ne peut imaginer que l'on peut utiliser la jacinthe d'eau abondante dans les plans d'eau stagnants pour nourrir les animaux, comme les poulets. Les végétaux peuvent être utilisés pour élever les criquets, qui sont une source de protéines.
Tout cela fait partie de l'écosystème de développement circulaire et durable. Ici, vous pouvez vivre en autarcie : riz, poulet, poisson, ingrédients, tout vient d'ici. Ce concept peut être appliqué à la campagne, mais aussi en ville, au niveau du recyclage des déchets. Ce n'est pas de l'anti-consommation, mais une consommation raisonnable.
VL : Cette plantation est en quelque sorte un modèle de développement économique…
Tout à fait...Nous récoltons le poivre trois fois par an. Nous récoltons le poivre bio, mais aussi le poivre qui sert à faire le poivre mariné. Et deux mois avant, c'est la récolte du poivre pour la sauce de poivre. Avec le poivre, avec d'autres ingrédients, comme le prahok, le tamarin, etc., avec tous ces produits qui viennent de la campagne, nous mettons en application un système de développement circulaire qui entraîne la valorisation d'autres filières. Par exemple, en vertical, vous avez le poivre à 7 mois, le poivre à 9-10 mois et le poivre mature. En horizontal, vous avez d'autres développements comme la sauce, le poivre mariné, l'inflorescence de poivre, qui sert à fabriquer notre infusion santé Kirum, premier produit du Cambodge à être protégé par un brevet international. Le développement circulaire peut aussi être mis en oeuvre dans de nombreux domaines, ce qui permet surtout de ne pas charger la planète de déchets.